vendredi 7 mai 2010

Rimbaud un pierrot dans l'embêtement blanc : du dossier au livre



L’édition du livre Rimbaud Un « pierrot » dans « l’embêtement blanc » Lecture de la Lettre de Gênes de 1978 est une longue histoire.

Il y eut d’abord un « dossier » publié dans le quotidien La Liberté de l’Est.

Le livre est à peu près totalement écrit et proposé aux éditeurs en 2004, date des 150 ans de la naissance de Rimbaud. 2004 est un mauvais choix, tant les publications sur le poète pullulent alors.
La première partie de l’essai (largement revue depuis), paraît sur le site ecrivosges.com.
L’essai est à nouveau en circulation. Un éditeur lorrain prend le manuscrit en 2007, ne fait rien pendant un an puis procède en 2009 à certains travaux éditoriaux. Or, fin juillet 2009, comme je manifeste une certaine impatience, il décide de ne pas le publier.
Je fabrique rapidement un prêt-à-clicher pour l’Harmattan que j’envoie personnellement, début août, à son directeur, M. Denis Pryen. Le 25 août, il manifeste par téléphone son intérêt et accepte l’édition de l’essai…

Après tout, il n’est pas si fréquent qu’un Vosgien s’attaque à un tel « sujet ». On peut seulement citer auparavant, Jean-Paul Germonville (Un certain Arthur R., voyou de Charleville, La Bartavelle, 1991) et Richard Rognet (La Jambe coupée d’Arthur Rimbaud, Editions Voix Richard Meier, 1997).
Le fait que Rimbaud traverse le Massif vosgien dans des conditions politiques (occupation allemande de l’Alsace) et atmosphériques particulières, donne au livre un intérêt particulier.

Il existe globalement deux façons de traiter Rimbaud. La 1ère que je trouve un peu désinvolte, consiste à écrire comme si personne ne l’avait fait auparavant. La seconde prend en charge les éléments de l’immense « rimbaldothèque » constituée depuis plus d’un siècle et les travaux, si inégaux soient-ils, par les nombreux devanciers.
C’est évidemment cette seconde méthode qui est utilisée ici, sans complaisance ni sévérité inutile mais en rendant compte des apports de ces devanciers, parfois prestigieux, parfois plus anonymes.
Peut-on publier un livre sur Rimbaud en s’appuyant sur un seul de ses textes ? C’est le pari engagé ici. C’est au lecteur de dire si le pari est tenu.
L’essai analyse en profondeur cette longue et précieuse Lettre de Gênes, maillon exceptionnel, entre le « défroqué de la poésie » et le commerçant d’Arabie et d’Afrique.
Le plus souvent à pied, Rimbaud traverse les Vosges, passe à Remiremont et au Col de Bussang dans une tempête de neige. Dans l’ascension du Gothard, pris dans « l’embêtement blanc » angoissant, tel « un pierrot dans un four », il laisse échapper un dernier cri poétique, un chant du cygne. Cette enquête minutieuse, sans concession, revisite toute l’histoire des livres sur Rimbaud et opère une lecture plurielle et approfondie de cette lettre.

vendredi 16 avril 2010

Rimbaud adulte, une photo prise à Aden


RIMBAUD INATTENDU

Je cherchais depuis plusieurs jours par quels propos je pouvais inaugurer mon nouveau blog sur Rimbaud.
J'hésitais entre des réflexions sur l'immense bibliographie rimbaldienne, hélas souvent peu méthodique, qui s'enrichit depuis un siècle, tant au niveau des éditions de plus en plus pointues, des biographies qui font parfois une place à la rimbaldo-fiction, de l'iconographie en fait peu nouvelle et des essais de toutes sortes publiés dans des pays de plus en plus nombreux.
Je voulais aussi mettre en valeur les rimbaldiens francophones qui me semblent aujourd'hui importants, même si pour en faire une brève présentation, cela exige une recherche sérieuse, actualisée et fidèle.
L'actualité récente a choisi pour moi puisque vient d'être publiée une photo de Rimbaud adulte... déjà découverte en 2008. Tiens, tiens ! Exposée au Salon du livre ancien au Grand Palais de Paris, elle montre l'homme Rimbaud sur la terrasse de l'hôtel Univers à Aden. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne s'y sent pas heureux. Dans une lettre à sa famille du 22 septembre 1880, il écrit "qu'Aden est, tout le monde le reconnaît, le lieu le plus ennuyeux du monde". Il ajoute avec ironie : "après toutefois celui que vous habitez" !
J'avoue que je suis d'abord resté dans un doute profond tant j'avais du mal à imaginer les yeux bleus de Rimbaud dans ce cliché où ils paraissent si sombres.
Finalement et peu à peu, mes doutes se sont (presque) entièrement effrités quand j'ai réalisé que la transposition est évidemment difficile pour passer de la fameuse photo de Carjat datant de 1871 à cette photo qui aurait pu être prise à partir de 1880, date du premier séjour à Aden.
J'ajoute que j'ai des raisons toutes personnelles d'apprécier le travail des deux libraires "inventeurs", Jacques Desse et Alban Caussé, du moins du premier, pour la simple raison qu'il m'a fait l'honneur de me citer 5 fois dans l'index de son excellent ouvrage De la jeunesse chez Gallimard, écrit en 2008 avec Alban Cerisier. Il a en outre signalé dans le texte mes travaux sur plusieurs collections du même éditeur.
Je connais bien aussi les essais rimbaldiens de Jean-Jacques Lefrère qui utilise cette photo cette semaine en couverture de son dernier livre rimbaldien : Arthur Rimbaud Correspondance posthume 1891-1900, récemment paru chez Fayard.
Je m'étonne d'ailleurs que l'auteur s'intéresse aujourd'hui au mythe qui s'échafaude dès cette décennie, mythe qu'il a combattu dans sa monumentale biographie. Pour moi, la seule lettre qui m'émeut dans cette période est celle de Germain Nouveau qui écrit à Rimbaud depuis Alger, en ignorant sa disparition depuis deux ans, le 12 décembre 1893, en signant "ton vieux copain d'antan bien cordial" !